Dans la rue du tribunal, le soleil fait briller les pierres jaunâtres. Les gendarmes nous fouillent rapidement avant de nous laisser entrer. Nous patientons un moment avant de pouvoir entrer dans cette piece qui m’a troublé quelque peu durant l’audience. Dehors je suis plutôt a l’aise. Mise a part nous quatre, tonton Dan et maman sont là. Pierre, un ami d’arthur, et mon ex petit-ami que je considere maintenant comme faisant parti de ma famille est present, ca me rassure. La petit-amie d’arthur est ici aussi. Lucie nous dit que son copain devrait nous rejoindre plus tard. Je commence a sentir mon coeur plus fort lorsque Lucie me dit qu’elle a vu passé papa « il avait son regard de chien battu…mais tu sais, un vrai regard de chien battu.. ».
Lorsque nous pouvons enfin rentrer, une première petite pièce nous annonce la couleur. Nos pas résonnent sur le bois, accentués par la hauteur du plafond… La porte étroite nous laisse entrer un par un. Devant moi, mon petit frère hésite quelques secondes avant d’entrer, comme s’il n’était pas sur de vouloir y assister ou peut etre simplement pour se donner un peu de courage avant d’affronter un verdict douloureux. Je l’ai trouvé très fort ce petit Maxou, il a beaucoup grandi durant cette dernière année. La pièce principale est un véritable tribunal, s’en est pesque effrayant. Les murs et le sol boisés nous encerclent dans un monde qui me paraît ancien. Les bancs me rappellent ceux de nos églises, mais en plus robustes. Un long bureau au fond de la pièce attend la juge, la procureur et leurs acolytes de récréation. Une statue de pierre surplombe la pièce. A droite, dans la partie apparaissant comme innacessible, trois personnes sont déjà assises. Ils nous regardent entrer comme des animaux qui debuteraient un spectacle dans un cirque. Laquelle de ces otaries va faire tomber la balle du bout de son nez ? J’ai appris plus tard qu’il s’agissait des journalistes. L’un d’entre eux a du rediger l’article a propos de la sentence de Paul, un espece d’article a suspens débile avec le nom de papa a la fin, histoire de bien dramatiser l’histoire. Eeenfin, j’ai rien contre les journalistes mais bon.
Le silence harmonieux indien commence à me manquer à cet instant. Lorsque nos places se sont décidées (nous cinq devant, les amis, amour et maman derriere) et que les sifflements de nos habits frottants se sont tut, l’attente plus courte qu’à l’exterieur sembla plus longue à l’interieur. Tonton était à ma gauche, Maxou sur ma droite.
Tous le monde s’est levé lorsque les personnages sont entrés sur la scène, « vous pouvez vous assoir » a entonné la juge. C’est sur la gauche que papa est arrivé accompagné de deux gendarmes, les seuls personnages qui semblaient étrangement a peu pres réalistes dans le tableau. Paul avait le teint pâle, il était rasé mais ses cheveux longs pendoullaient et ondulaient derrière sa nuque. Je n’avais jamais vu mon père dans cet état, pris sur le fait, honteux de sentir les regards accusateurs de personnes méprisantes. J’aimerai lui crier qu’on en a rien à foutre ! Mais ça ne sert à rien… Je commence à comprendre que mon papa va vraiment aller en prison. Je carresse le dos de Maxou de temps en temps, de tonton Dan aussi. Parfois mes yeux deviennent humides, puis je les en empêche, je veux etre forte pour papa. Lorsque je le regarde, on se sourit naïvement, ça fait 3 mois qu’on ne s’est pas vus. Ils ont commencés leur guerre en comptant les billets qu’ils ont trouvé chez Paul. Ils mettaient tellement de temps à les compter que j’ai fait un signe de tête moqueur à papa, j’espere qu’il se souvient de la même chose que moi. Je me rappelle lorsqu’il me racontait la femme de la poste qui comptait les billets très vite comme si elle avait passée sa vie à le faire. Ce fût leur seule preuve physique, s’en est suivi des histoires de comptabilité, d’intérêts, d’explications fortuites sur la pratique considérée illégale de papa. Paul répondait aux questions calmement, prenant son mal en patience. La juge cherchait la petite bête pour l’enfouir sous terre. La procureur a pris la parole en répétant mot pour mot tous ce que la juge avait annoncé au debut de l’audience, comme si personne était au courant de ce pourquoi papa se retrouvait en prison, ou peut être pour prevenir quelqu’un arrivé en cours de route.
Je ne me souviens pas ce qui a été préconiser pour la sentence, je n’écoutais plus trop au bout d’un moment. Le fond de la salle me paraissait surnaturelle, le bois des murs et des bureaux donnait une impression de profondeur qui me piquait les yeux. La juge nous regardait un par un. « Vous savez monsieur Lacoste, en France, il s’agit de 20 ans de prison pour une affaire comme celle-ci normalement, j’espere que vous avez conscience de ça. » Elle aurait pu parler à un enfant qui ne s’était pas lavé les mains, le sons de ses mots auraient été les mêmes. La procureur était assise de profil et nous scrutait elle aussi, enfoncée dans son siège. Sa levre inférieur bombée lui donnait un air enfantin, elle semblait légèrement touchée par notre présence contrairement au discours accusateur qu’elle venait de chantonner. J’imaginais Paul dessinant ce drôle de personnage, complètement sorti de son contexte, seulement dans son fauteuil, mi-enfant mi-institutrice. J’aurai voulu prendre une photo de cette scène qui semblait un gouffre dans le parcours spirituel d’une âme insoucieuse.
Quelques phrases de livres que j’ai lu durant mon voyage me resonnent dans la tête. Si Paul s’est fait arrêté c’est que cela devait arriver. J’ai tellement réclamer à la vie qu’il m’arrive quelque chose, qu’elle a exaucé mon souhait. La souffrance donne naissance a une passion, qui s’exprime. Papa avait-il senti venir ce qui allait arriver ? Peut-etre l’a-t-il lui meme mis en scène inconsciemment ou non pour arriver à créer quelque chose de cette experience ? J’avais demandé a papa de resilier mon abonnement telephonique avant de partir pour 3 mois, je n’allais plus en avoir besoin. Il m’avait dit qu’il vendrait aussi ma voiture. Il n’en a rien fait. Je rentre, il n’est plus là, mais j’ai tous ce dont j’ai besoin : un toit sous lequel dormir, un moyen de communication, de quoi me deplacer… Allons il a simplement omis de le faire, il devait avoir la tête ailleurs. Il me manque déjà mais je me persuade que c’est un mal pour un bien. Une vieille page abîmée qui se tourne pour laisser place à une feuille blanche désireuse de couleurs et d’artifices…
Notre avocat s’est subitement mis à réciter son monologue, avouant les fautes de papa tout en scinglant l’injustice d’un acharnement inapproprié. Sa plaidoirie théâtrale laissait la juge impassible. Il semblait même qu’elle n’écoutait pas un mot de ce qu’il disait, comme si elle en était à la énième représentation d’un ennuyeux spectacle. Monsieur l’avocat défendait la brillance de l’accusé pour la conception et la mise en oeuvre de cette installation hydroponique, et ça me faisait sourire. Je ne l’ai jamais vu sous cet angle, mais plutôt comme un adorateur d’une plante jugée nuisible en France.
Une pause a été décrété avant le verdict final. Dehors un homme me demande si cela vient de se terminer, apparement le mari d’une stagiaire qui se trouve dans le tribunal. Il y a comme une onde paisible qui me carresse, je sais qu’elle va très vite s’échapper. Je pense à Timo, je lui aurai proposé de m’accompagner si il n’était pas à l’étranger.
Paul a pris 24 mois, dont 14 de surci. Il me semble que cela signifie qu’il doit rester 10 mois en prison puis que durant 14 mois il sera traité comme un jeune délinquant qui a fait des casses et tué 2-3 personnes sur son passage. Retourner à sa vie d’avant : travailler, gagner de l’argent pour manger, pour pouvoir travailler encore.
Avant de partir, les deux gendarmes nous ont laissé enlacer papa. Nous étions à la file indienne pour lui faire un calin un par un. Je pensais lui dire que Bruno, son ami de toujours, avait essayé de se liberer pour venir mais qu’il n’avait pas pu. Que nous allons tous bien et que nous avons la chance d’avoir les parents que nous avons. Qu’il ne devait pas s’inquiéter, que c’était sa volonté qui lui donnerait la force de vivre cet experience de la manière la plus optimiste qui puisse être. Je n’en ai rien fait. Lorsque mon tour est arrivé, j’ai littéralement fondu en larme dans ses bras. Je l’ai entendu me murmurer « En plus ca fait longtemps que tu m’as pas vu toi… ». Je sentais ses mains menottaient au niveau de mon ventre, il aurait voulu pouvoir me serrer dans ses bras. Je lui ai seulement dit que je l’aimais avant de courrir me refugier dans les premiers bras ouverts que j’ai trouvé.
Lorsque la voiture des gendarmes est parti, papa a retiré ses lunettes et à mis sa tête dans ses mains. Je ne l’avais jamais vu faire ça. Comme complètement déçu de lui même, de voir les personnes qu’il aime souffrir de son amour pour lui…